La technologie comme catalyseur ou obstacle aux objectifs de développement durable ?
Pouvez-vous présenter en quelques mots ?
Professionnellement, on me présente souvent comme une « experte du numérique responsable ». C’est un sujet très vaste, et je pense qu’il est très compliqué de maîtriser réellement tous les aspects. Nous savons que le mouton à 5 pattes n’existe pas.
La problématique qui m’anime au quotidien est la transformation à grande échelle des différents métiers de l’informatique pour aller vers un numérique plus responsable. J'accompagne cette transformation à une échelle de 10 000 personnes en France.
Je suis convaincue que ce changement doit venir de l’intérieur de l’entreprise pour être durable, car les changements subis ne sont pas pérennes. Être au cœur du réacteur permet d’avoir une vision complète pour mettre en œuvre une réelle transformation. C’est passionnant, et dans la continuité de mes convictions personnelles. En effet, dans mes études, j’ai été co-présidente de l’association Objectif Développement Durable de Centrale Paris, et ainsi eu l’opportunité de coécrire le premier cours de Développement Durable de Centrale. Aujourd’hui, je suis engagée personnellement dans une démarche visant à diminuer mon impact environnemental (mobilité, démarche 0 déchets, achats de vêtements et biens de seconde main en priorité, …) et à transmettre ses valeurs à mes enfants avec mon mari.
D’après vous, quelle est la définition de la Tech for Good ?
Malgré la difficulté d’avoir un consensus sur la notion de « bien » ou de « mal », il est essentiel de tendre vers des définitions et valeurs communes pour définir si nos activités – liées à la tech mais pas que – sont « good ».
C’est dans ce contexte que, pour moi, la « tech for good » est la tech qui sert positivement la planète et les êtres vivants qui la peuplent, en répondant aux « standards internationaux » suivants :
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Le 9 limites planétaires
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Les 17 Objectif de développement durable (ODD) fixés par l’ONU
Ainsi, la tech for good permet de diminuer la vitesse d’atteinte d’une ou plusieurs limite(s) planétaires(s) sans accélérer l’atteinte ou le dépassement d’une autre limite. Aussi, elle soutient les 17 ODD, en considérant les effets rebond.
Par exemple, l’objectif 11 des ODD sur les villes et communautés durables est de faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables. La technologie soutient et optimise les systèmes de transports par exemple. Néanmoins, la fabrication du matériel nécessaire à la technologie (de l’extraction minière à la fabrication du produit fini) et la fin de vie du matériel sont des activités qui peuvent entrer en contradiction avec certains OOD, comme l’ODD 8 sur le travail décent pour tous, ou encore l'ODD 6 lié à l’eau propre et l’assainissement.
En plus de servir positivement la planète et les êtres vivants qui la peuplent, la technologie doit être intrinsèquement « bien » conçue, en appliquant des principes d’éco-conception visant à diminuer les impacts environnementaux et sociétaux. Si la technologie pollue plus que ce qu’elle permet d’améliorer, c’est totalement contre-productif. Nous devons contrôler les effets rebonds pour avoir réellement un impact positif.
Quels sont les enjeux chez Capgemini, et plus largement dans votre secteur, de la Tech for Good ?
Le 1er enjeu est la sensibilisation. L’ensemble des acteurs de la tech doivent prendre conscience des impacts environnementaux et sociaux de la technologie. C’est essentiel pour pouvoir transformer durablement notre rapport à la technologie.
Le 2ème enjeu est d’avoir des standards communs entre l’ensemble des acteurs de la technologie pour avancer dans la même direction. Par exemple, en tant qu’ESN, Capgemini est au cœur de la transformation avec ses clients et ses partenaires. Sans base commune, nous ne pouvons pas transformer efficacement et durablement nos pratiques et business model.
De façon plus pragmatique, Capgemini a à cœur d’assurer que les solutions que nous délivrons à nos clients soient les plus responsables possible. Nous travaillons en effet à la diminution des impacts environnementaux et sociétaux de nos solutions, en nous appuyant notamment sur les standards en vigueur. Capgemini a également un rôle majeur dans la transformation des business model de ses clients, pour que leurs activités – voire leur raison d’être – intègrent les enjeux sociétaux et environnementaux dans un plan de transformation à court, moyen, et long terme.
Existe-t-il des différences entre les acteurs du marché pour répondre aux enjeux de la Tech for Good ?
Nous sommes tous dans le même bateau et devons répondre aux mêmes grands enjeux : mettre à profit la technologie pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux, tout en diminuant les impacts intrinsèques à la technologie.
Néanmoins, en fonction des activités et de la taille des acteurs, il y a évidemment des priorités différentes. Un fournisseur de matériel informatique s’attèlera à diminuer l’empreinte environnementale et sociale des produits qu’il fabrique, alors que les utilisateurs travailleront sur l’optimisation de l’usage de ce matériel. Par exemple, Capgemini travaille sur la diminution du nombre de PC par collaborateur. C’est un sujet complexe prenant évidemment en compte la cybersécurité.
De quelle façon percevez-vous l’évolution de la Tech for Good dans les années à venir ?
La Tech for Good doit devenir à terme la Tech « tout court ». On ne peut plus aujourd’hui passer à côté des impacts de la tech. On ne peut pas conserver un système où, poussé à l’extrême, on utilise l’eau pour refroidir un data center permettant d’alimenter des services numériques ayant un intérêt moindre, alors que nous n’avons pas assez d’eau pour irriguer les cultures. Aujourd’hui, il est inimaginable de faire sans la Tech, qui a par ailleurs des impacts positifs sur l’environnement et la société utilisée à bon escient et de façon raisonnée. Nous devons, collectivement, passer à un usage de la Tech uniquement à des fins « good ».
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