

À quand la souveraineté numérique européenne ?

Trump a sonné la fin de la récré ! Avec ses tarifs douaniers, le président américain met en œuvre l'une de ses mesures phares. Cette stratégie vise à réduire le déficit commercial américain en incitant les entreprises à revenir produire aux États-Unis. Les GAFAM et les grandes industries américaines, qui ont profité pendant de nombreuses années des coûts de production réduits et de fiscalités avantageuses — un bonjour à nos amis irlandais — vont devoir revenir chez l'Oncle Sam.
Du moins, c’est le pari de Trump pour redonner du pouvoir d’achat aux Américains et réaliser son slogan : "Make America Great Again". Ça, c'est sur le papier. Mais dans la réalité, à court terme, les marchés financiers s'excitent : le S&P 500 a enregistré sa plus grosse baisse depuis le Covid. Cependant, cette stratégie est pensée à moyen et long terme. Il faudra voir si elle sera payante dans les prochains mois ou années.
Qu’en est-il du numérique ?
70% du marché du cloud européen est détenu par trois mastodontes américains (Google Cloud, Microsoft Azure et Amazon Web Services). On pourrait croire, de prime abord, que les tarifs douaniers ne vont pas impacter le marché numérique dans son ensemble, mais la réalité est toute autre.
Les data centers, qui servent à stocker massivement les données, nécessitent une infrastructure énergétique colossale et des infrastructures IT d'une envergure impressionnante. En outre, avec les tensions géopolitiques actuelles, les États-Unis sont devenus un fournisseur d’énergie stratégique pour l’Europe. En ce sens, les tarifs douaniers imposés par Trump ne sont pas seulement une politique protectionniste ; ils ouvrent aussi la voie à une forme de négociation. Il ne faut pas oublier que Trump est l’auteur d’un ouvrage très médiatisé : The Art of the Deal.
Ainsi, il devient crucial pour l'Europe de penser à une stratégie souveraine en matière de numérique. Et il ne manque pas de voix pour plaider en faveur de cette démarche. Par exemple, Patrick Pouyanne, PDG de TotalEnergies, soutient la création d’un cloud européen. Selon lui, un tel projet permettrait de réduire la dépendance aux géants américains du cloud computing, tout en garantissant une meilleure sécurité des données pour les entreprises et les citoyens européens. L’enjeu est de taille : il s’agit de créer une infrastructure capable de rivaliser avec les leaders mondiaux, tout en respectant les standards européens en matière de protection des données et de souveraineté technologique.
C’est notamment l’objectif du projet Gaia-X, lancé en 2020. Il s'agit d'une initiative européenne visant à créer un cloud souverain, sécurisé et interopérable, en réponse à la dépendance actuelle de l'Europe vis-à-vis des géants du cloud américains (Amazon Web Services, Microsoft Azure, Google Cloud) et chinois.
OVHcloud, l’un des membres fondateurs de ce projet, se positionne comme l'une des alternatives majeures aux géants américains. C’est d’ailleurs l'une des plus grandes entreprises européennes à offrir des solutions cloud compétitives.
L’initiative européenne en matière de semi-conducteurs
L’Europe a également lancé son Chips Act, une initiative visant à renforcer la production et la recherche en semi-conducteurs sur le continent. Cette démarche se veut un premier pas vers une indépendance stratégique en matière de composants électroniques, essentiels pour le numérique, l'automobile, et l'IA.
Bien sûr, il existe de nombreuses problématiques et contraintes au sein de l’Union européenne — et il faudrait bien plus qu’un simple article pour les énumérer toutes — mais l’Europe dispose de nombreux atouts.
Le rôle central de l’Europe dans l’intelligence artificielle
Dans le domaine de l'intelligence artificielle, des acteurs européens commencent à émerger, comme Mistral AI et Aleph Alpha. Et quel est le point commun entre les créateurs des deux moteurs de l'IA européens ?
Ils ont commencé par faire un séjour à la Silicon Valley pour y faire leurs armes avant de revenir en Europe. Et ils ne sont pas les seuls. L’Europe est un puissant réservoir de talents dans le domaine du numérique. Nous avons tous les éléments pour devenir une puissance numérique de premier plan dans le monde.
Mais pour ce faire, il est impératif d’investir massivement dans des projets d'envergure, afin de retenir ces talents et éviter qu’ils ne s’installent ailleurs. En effet, la Silicon Valley n’est pas le seul endroit capable d’attirer les meilleurs cerveaux, mais pour rivaliser, l’Europe doit montrer qu’elle peut offrir un écosystème tout aussi stimulant et compétitif.
L’Europe a les ressources humaines, les infrastructures et les idées pour atteindre la souveraineté numérique. Ce qui lui manque, c'est un investissement cohérent et ambitieux à la hauteur des enjeux. Le projet Gaia-X, la mise en place du Chips Act, et la montée en puissance de l’IA européenne ne sont que des étapes vers une indépendance numérique. Mais sans une vision commune et des actions concrètes à grande échelle, la souveraineté numérique européenne risque de rester un rêve lointain.
Pour finir, voici une liste des principales alternatives européennes à Google, Microsoft et compagnie que vous pouvez utiliser dès maintenant ! (vraiment vous pouvez les utiliser)
Secteur Cloud
- OVHcloud est l'un des principaux fournisseurs européens de services cloud. Il propose des solutions d'infrastructure cloud (IaaS), de plateformes (PaaS), ainsi que des services de stockage et de sécurité. L'entreprise est très présente en Europe et en Afrique, avec des centres de données dans plusieurs pays, et elle se distingue par sa capacité à offrir des solutions de cloud public et privé tout en respectant les exigences de souveraineté des données.
- T-Systems, la branche de services informatiques de Deutsche Telekom, fournit des solutions cloud pour les entreprises, notamment des services de cloud hybride, de cloud privé et de solutions de stockage. T-Systems se concentre particulièrement sur la transformation numérique et la gestion des données pour les grandes entreprises européennes.
- Scaleway est une autre entreprise française, spécialisée dans l'Infrastructure as a Service (IaaS). Elle propose des services de cloud computing tels que des serveurs dédiés, des solutions de cloud public et privé, ainsi que des services d'IA et de machine learning. Scaleway est particulièrement populaire dans le secteur des startups et des entreprises tech qui recherchent des solutions cloud flexibles et abordables.
Secteur IA
- SAP est l'un des leaders mondiaux du logiciel d'entreprise, et ils ont également un fort accent sur l'intelligence artificielle à travers des outils d'IA intégrés dans leur offre de logiciels ERP. Leur plateforme SAP Leonardo permet d'incorporer des fonctionnalités d'IA dans les processus d'affaires, ce qui aide les entreprises à automatiser et à optimiser leurs opérations.
- Mistral est une start-up française qui se spécialise dans la création de modèles de langage de grande taille. L'entreprise a attiré l'attention pour ses approches innovantes en matière d'IA et de traitement du langage naturel. Mistral se positionne comme un acteur clé pour l'innovation dans le domaine de l'IA en Europe.
- Aleph Alpha est une entreprise allemande pionnière dans le domaine de l'intelligence artificielle, spécialisée dans le développement de modèles de langage et d'IA à grande échelle. Elle est reconnue pour ses contributions dans le domaine de l'IA générative, offrant des solutions adaptées à la compréhension et à la production de langage humain tout en mettant l'accent sur les normes éthiques et la transparence.
Moteurs de Recherche
- Qwant est un moteur de recherche européen qui met l'accent sur la confidentialité des utilisateurs. Contrairement à des moteurs comme Google, Qwant ne trace pas ses utilisateurs, et ses résultats de recherche ne sont pas influencés par un profilage des données personnelles. Qwant se positionne comme une alternative respectueuse de la vie privée pour les utilisateurs européens.
- Ecosia est un moteur de recherche basé en Allemagne, qui se distingue par son modèle de business responsable. Pour chaque recherche effectuée, Ecosia utilise une partie de ses revenus pour financer des projets de reforestation dans le monde entier. Il utilise le moteur de recherche Bing, mais avec un impact environnemental positif, attirant ainsi des utilisateurs soucieux de l'environnement.
- Seznam est le principal moteur de recherche en République Tchèque. Bien qu'il soit largement utilisé dans ce pays, Seznam est également connu pour ses services locaux tels que les cartes, les actualités et l'e-mail. En plus des recherches web, il offre une alternative locale à d'autres géants du secteur, comme Google, et reste un acteur clé dans la recherche sur le marché tchèque.
- Vues196