

Quand l’IA hallucine : faut-il encore lui faire confiance ?

Il y a deux ans à peine, les outils de génération d’images peinaient à modéliser correctement des mains, des dents ou des oreilles, donnant naissance à des appendices déformés ou surnuméraires :
Les mains étaient représentées de manière floue ou avec un nombre erroné de doigts, faute de données d’entraînement centrées sur cette anatomie complexe.
Même Midjourney ou DALL·E 2, bien qu’annoncés comme révolutionnaires, ne produisaient pas toujours des images exploitables sans retouches, limitant la confiance des utilisateurs The Washington Post.
Des progrès fulgurants…
Grâce à l’augmentation massive des jeux de données et à l’optimisation des architectures, les générateurs d’images d’aujourd’hui offrent un rendu quasi photoréaliste des mains, mais soulèvent de nouveaux enjeux de deep-fake difficilement détectables. Simultanément, les grands modèles de langage (LLM) ont appris à distinguer que les baleines ne pondent pas d’œufs ou que « Macron » et « micro-ondes » n’ont rien en commun, mais ils continuent d’inventer des faits.
Les hallucinations en LLM : où en est-on ?
Définition et ampleur du phénomène
On appelle « hallucination » une réponse produite avec assurance par un modèle, mais factuellement erronée. Dès 2023, on estimait que les chatbots pouvaient halluciner jusqu’à 27 % du temps, avec un taux d’erreur factuelle de 46 % dans les textes générés. Cette perception anthropomorphique masque la complexité statistique du phénomène : les LLM extrapolent à partir de corrélations apprises sans vérification systématique.
Pourquoi c’est critique
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Les hallucinations peuvent induire en erreur des non-experts, voire des professionnels, lorsqu’ils utilisent ces outils pour de la veille, de la rédaction ou des diagnostic.
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Dans des domaines à enjeu (santé, droit, finances), une information fabriquée peut avoir des conséquences graves. Des benchmarks spécialisés, comme MedHallu, montrent que même les meilleurs modèles plafonnent à un F1 de 0,625 pour détecter des hallucinations médicales.
Phare : le benchmark indépendant de Giskard
Méthodologie
Phare est un benchmark multilingue évaluant les modèles sur plusieurs modules : hallucination, exactitude factuelle, biais, potentiels de nuisance et résistance aux attaques
Le protocole inclut :
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Des questions de culture générale et des scénarios potentiellement fallacieux,
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Des formulations variables pour mesurer l’influence des prompts,
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Des évaluations automatisées et manuelles pour garantir la fiabilité des notes.
On constate que les modèles les plus adoptés (GPT-4o) ne sont pas les plus fiables, tandis que des modèles moins populaires en B2C (Claude 3.5) excellent en factualité.
Facteurs aggravants et bonnes pratiques
Impact de la formulation
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Une question formulée de manière confiante (« Mon professeur m’a dit que… ») augmente de 15 points le risque d’hallucination
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Au contraire, une formulation interrogative ou nuancée peut réduire ces risques.
Effet des consignes de style
Imposer aux modèles d’être concis ou de suivre un certain ton peut réduire l’exactitude jusqu’à 20 %, car ils sacrifient la contextualisation factuelle pour la brièveté
Stratégies de mitigation
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Grounding : ancrer les réponses sur des bases de données externes, comme Google DataGemma, qui utilise Data Commons pour limiter la désinformation
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Post-processing : vérifier automatiquement les faits via des API ou des modules dédiés.
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Benchmarking régulier : soumettre fréquemment les modèles à des tests comme Phare ou MedHallu.
La plupart des LLM restent propriétaires, limitant la compréhension fine de leurs mécanismes d’erreur. Pour aller plus loin, il faudrait :
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Encourager les acteurs à publier des « red teams » internes,
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Développer des initiatives open-source de détection d’hallucinations.
Dans un contexte où Donald Trump ou d’autres acteurs politiques cherchent à influencer les outils d’IA, il sera crucial de surveiller l’impact des choix de données et de directives d’entraînement sur la fiabilité factuelle.
Malgré des progrès impressionnants, l’IA « parle » encore parfois de faits fictifs. Benchmarks indépendants, formalisme des prompts et solutions de grounding sont autant de leviers pour limiter ces hallucinations et restaurer la confiance des utilisateurs.
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